Conte africain illustré : Petite Mère et Hurluberlu | Histoires pour enfant

Posté sur3 années auparavant

Ceci est un conte rwandais. Il m'a été raconté par Pierre Crépeau, qui le tenait de Monseigneur Aloys Bigirumwani. Aloys, qui était évêque, collectionnait méticuleusement tous les "dits" de son pays, le Rwanda.

Il était une fois un homme qui s’appelait Hurluberlu. Il était idiot et mal engueulé. Son juron favori était :
– À poil les petites vieilles !
Il avait pour épouse une femme du nom de Petite-Mère.

En ce temps-là, la famine sévissait dans le pays. Un jour, Hurluberlu décide de s’expatrier avec sa femme. Ils se mettent en route et, parvenus à l’orée d’un bois, ils découvrent un pied de courges qui porte beaucoup de fruits.

Ils s’installent donc à cet endroit et se mettent à vivre de ce pied de courges.
Au bout de quelques jours, Hurluberlu dit à sa femme :
− Je vais arracher les mauvaises herbes autour du pied de courges de peur qu’elles ne l’étouffent.
− Prends garde ! dit Petite-Mère. Tu ignores comment ce pied de courges a été planté. Tu pourrais abîmer ses racines en sarclant trop près. Laisse-le donc ! Qu’est-ce qu’il t’a fait ?
− Femme, va radoter ailleurs ! fanfaronne Hurluberlu. À poil les petites vieilles !

Puis, attrapant sa serpette, il se met résolument à la besogne.
Au bout de trois jours, le pied de courges commence à se faner, car Hurluberlu a tranché dans le vif des racines.
Désolée à la vue du désastre, Petite-Mère ironise :
− Ouais ! Tu as fait là du beau travail !

La grotte merveilleuse


Tous deux peuvent encore vivre un bout de temps des courges qu’ils ont mises de côté. Une fois qu’elles sont épuisées, Hurluberlu dit à sa femme :
− Eh bien ! Petite-Mère, puisqu’il ne nous reste plus rien à manger, irais-tu cueillir quelques feuilles de courges ?
− Qu’est-ce que tu me demandes là ? réplique Petite-Mère. Tu sais bien que le pied de courges est mort et qu’il n’en reste plus rien. Je t’avais pourtant prévenu.
Tu n’as rien voulu entendre ! Et maintenant, tu me demandes d’aller cueillir des feuilles de courges ? Où as-tu donc la tête ?

Ce soir-là, Hurluberlu et Petite-Mère se couchent le ventre vide. Le lendemain matin, apercevant Petite-Mère son bâton de route à la main, Hurluberlu lui demande :
− Où vas-tu, ton bâton de route à la main ?
− Je vais chercher quelque chose à manger.
Et elle se met en route sans tarder. À la tombée de la nuit, Petite-Mère se demande ce qu’elle va devenir. Elle n’a rien trouvé à manger. Regardant tout autour d’elle, Petite-Mère aperçoit une grotte et s’y réfugie.

Alors, ce qu’elle voit est prodigieux. Des haricots sortent du roc, un à un. Le jour suivant, ce sont des grains de sorgho qui surgissent, un à un. Le troisième jour, des petits pois sortent de la paroi, un à un. Et ainsi de suite, la grotte se remplit de toutes les sortes de grains.
À la vue de ce prodige, Petite-Mère s’écrie :
− Quelle chance que j’ai là !
Elle se prépare un bon repas et mange à sa faim.

Hurluberlu fait des bêtises


Au troisième jour, Hurluberlu se dit :
− Je suis bien malheureux. Petite-Mère est partie et ne revient pas. Où pourrais-je la retrouver ? J’ignore le chemin qu’elle a pris. Elle est sans doute morte maintenant. Je vais à sa recherche. Même si je dois marcher toute une année, je trouverai l’endroit où Petite-Mère est tombée.

Il se met donc en route. À la tombée de la nuit, tout à fait par hasard, il se retrouve face à face avec Petite-Mère.
Étonnée, elle lui demande :
− Mon homme, qui t’a indiqué le chemin qui mène ici ?
− Le Dieu de mon pays a sa manière d’agir, répond Hurluberlu. C’est lui qui m’a conduit jusqu’ici.

Petite-Mère lui propose à manger. Il dévore ce qu’elle lui sert car il y a longtemps qu’il n’a rien mangé. Il demande soudain à sa femme :
− Petite-Mère, la famine sévit partout. Où trouves-tu tous ces vivres ?

Elle lui indique des petits trous dans la paroi de la grotte, d’où sortent toutes les espèces de grains. Alors Hurluberlu se met tout de suite à la tâche.
Il coupe des arbres et construit des greniers pour mettre en réserve les vivres qui sortent chaque jour de la paroi de la grotte. Ils en remplissent plusieurs greniers et deviennent très riches.
Tant et si bien qu’à la fin Hurluberlu perd la tête.

− Ces petits trous sont bien étroits, dit-il un jour à Petite-Mère. Je vais les agrandir pour qu’ils donnent des grains en plus grande quantité. Recueillir les grains un à un, ce n’est pas très amusant.
Petite-Mère lui répond :
− Oh ! mon homme, qu’est-ce que ça peut te faire ? Tu vois bien, nous avons même mis de côté beaucoup de provisions.
− A bas les petites vieilles ! claironne Hurluberlu. Une femme n’a pas droit de parole en ces choses.
Il chauffe donc la pointe de sa lance et l’enfonce dans chacun des petits trous pour les agrandir.
Résultat : il brûle tous les grains. Il ne sort plus un seul grain de la paroi de la grotte.
− Beau travail ! ironise Petite-Mère.
Ils doivent donc vivre sur leurs réserves qui finissent par s’épuiser.

La maison du roi

Le temps passe et la famine continue de sévir. Un bon matin, ne s’étant rien mis sous la dent depuis plusieurs jours, Hurluberlu dit à sa femme :
− Je t’en prie, va chercher le peu qui reste dans le grenier, je meurs de faim. Petite-Mère en reste bouche bée. L’inconscience de son homme la consterne. Prise d’une sorte d’hébétude, elle ne sait plus où poser le regard.

Le lendemain matin, son bâton de route à la main et une cruche sur la tête, Petite-Mère quitte la maison. À la barrière, elle croise son homme qui lui demande :
− Où vas-tu ?
− Si je n’ai rien à manger, réplique sèchement Petite-Mère, n’ai-je pas au moins le droit de boire de l’eau ?

Elle ne lui dit pas que, cette fois, elle part pour de bon et qu’elle ne veut plus jamais le revoir. Elle presse le pas, de peur qu’il ne décide de la suivre. À la tombée de la nuit, elle aperçoit une maison sur le sommet de la colline et se dirige vers cette demeure pour y passer la nuit. Le logis semble confortable, mais la cour est jonchée de crânes humains.

Maîtrisant sa frayeur, Petite-Mère entre dans la maison. Partout des crânes humains ! Et beaucoup d’autres choses, même des pots de beurre ! De fait, cette maison est la demeure d’un roi. Mais le roi et ses gens ont fui au loin, car une bête féroce a fait son apparition dans la région et s’est installée dans le palais royal.

À l’arrivée de Petite-Mère, la bête est absente. Elle est allée chasser chez les hommes car elle se nourrit seulement de chair humaine. Petite-Mère met une marmite sur le feu et se prépare un repas.

Après avoir mangé, elle prend son bâton de route et monte se coucher sur l’étagère au-dessus de l’âtre.
Au milieu de la nuit, la bête féroce rentre de la chasse, un cadavre d’homme dans la gueule. Dès le seuil, sentant une odeur d’être humain vivant, elle se dit :
− Ça sent l’humain. D’où vient donc cette odeur ?
Puis, elle ajoute à haute voix :
− Y a-t-il quelqu’un qui viendrait m’aider à déposer mon fardeau ?
Petite-Mère se tait. La bête crie :
− Ohooo ! Il y a quelqu’un pour m’aider à déposer mon fardeau ?

Pas de réponse ! La bête jette son cadavre par terre et le dévore sur le champ. Elle laisse là les os et va se coucher. Au premier chant du coq, la bête se lève et repart à la chasse.

Le retour d'Hurluberlu


À l’aube, sachant la bête au loin, Petite- Mère se lève à son tour. Elle réchauffe les restes de la veille et les mange. Au lever du soleil, elle débarrasse une natte des os qui la recouvrent, l’étend et s’assoit dessus pour se chauffer au soleil. Le soir, elle remonte sur l’étagère et s’endort.
Elle ne craint plus la bête féroce. Au milieu de la nuit, la bête rentre de la chasse et se dit encore :
− Ça sent l’humain ! Puis, à haute voix :
− Il n’y a personne pour m’aider ? Je vous en prie, venez m’aider à déposer mon fardeau.

Toujours pas de réponse ! Elle jette son cadavre par terre et le dévore sans plus attendre. Laissant là les os, elle s’endort aussitôt.

Au premier chant du coq, la bête féroce se lève et repart à la chasse. À l’aube, Petite-Mère se lève, prépare son repas et va se chauffer au soleil.

Soudain, voici Hurluberlu qui s’amène. Stupéfaite, Petite-Mère lui dit :

− Misérable ! Qui t’a conduit jusqu’ici ? Cette fois, je veux voir comment tu t’y prendras pour attirer sur moi le malheur. Tu vois tous ces ossements ? Eh bien ! Tes os à toi viendront bientôt s’y ajouter.

Puis elle le fait entrer dans la maison et lui sert à manger.
Après s’être rassasié, Hurluberlu demande à Petite-Mère :
− Qui est le maître de céans ? Nom d’une petite vieille ! Cette demeure appartiendrait- elle à des cannibales ?
− Cette demeure appartient à une bête féroce, répond Petite-Mère. Patience ! Tu la verras cette nuit.

Tous deux montent se coucher sur l’étagère. Au milieu de la nuit, la bête féroce revient et, comme à l’habitude, se dit que ça sent l’homme, appelle à l’aide en vain, jette son cadavre par terre et le dévore.

Au bout d’une semaine, Hurluberlu dit à sa femme :
− Ce soir, si la bête vient et demande de l’aide, je
descendrai l’aider et la transpercerai de ma lance.

− Misérable ! réplique Petite-Mère. Je te préviens mais tu fais toujours à ta tête. Cette fois, tu vas y laisser ta peau. Qu’est-ce que cela peut te faire que cette bête habite ici ? Tu le sais, tu as été la cause de tous mes malheurs. Et aujourd’hui, tu veux faire en sorte que je sois dévorée par une bête sauvage ?
− Ah ! Les femmes ! ricane Hurluberlu. Vous avez toujours peur ! Quand nous aurons tué la bête, cette demeure sera à nous et nous pourrons l’habiter en toute tranquillité.

Hurluberlu affûte alors sa lance et sa serpette comme il faut. Petite-Mère, de son côté, vérifie le taillant de sa hache.

Le soir venu, tous les deux, bien armés, montent sur l’étagère comme d’habitude.

Durant la nuit, la bête arrive en criant :
− Eh ! gens de céans, n’y a-t-il personne pour m’aider à déposer mon fardeau ?

− Attends, j’arrive, répond Hurluberlu. Je vais t’aider. La bête dépose son cadavre pendant qu’Hurluberlu descend de l’étagère. Elle lui saute dessus, l’égorge d’un coup de dents et le dévore.
Grognant de plaisir, elle se dit :
− Je trouvais aussi que ça sentait l’humain ! Celui que je viens de manger est un homme. Sa femme ne doit pas être loin.

Petite-mère devient reine


La bête grimpe sur l’étagère. Petite-Mère saisit sa hache et d’une main ferme lui assène un grand coup sur la nuque.

La bête lâche tout et tombe par terre en geignant :
− Aïe ! J’ai mangé toutes sortes de chairs, mais celle-ci est vraiment coriace, elle sera cause de ma mort.

Petite-Mère descend de son étagère et achève la bête féroce. Puis elle retourne tranquillement se coucher.

Le lendemain matin, Petite-Mère monte sur une haute colline et se met à battre le tambour en clamant ses hauts faits :
− Celui qui a fui peut rentrer ! J’ai tué l’ennemi !

Terrés dans les grottes avoisinantes, les gens se disent :
− N’entendez-vous pas le tambour ? Allons voir ce que c’est.

On accourt de toutes parts. Même le roi se présente avec sa suite. Petite-Mère se tient droite et fière dans la cour du palais, le cadavre de la bête féroce à ses pieds.

Elle raconte ce qui s’est passé. Le roi la récompense et l’épouse.

Depuis lors, Petite-Mère vit dans la prospérité et le bonheur.

Étiquette: conte, africain
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