Le Cerf malade | Fables de La Fontaine

Posté sur3 années auparavant

En pays pleins de Cerfs un Cerf tomba malade.
            Incontinent maint camarade
Accourt à son grabat le voir, le secourir,
Le consoler du moins : multitude importune.
            Eh ! Messieurs, laissez-moi mourir.
            Permettez qu'en forme commune
La Parque m'expédie, et finissez vos pleurs.
            Point du tout : les Consolateurs
De ce triste devoir tout au long s'acquittèrent ;
            Quand il plut à Dieu s'en allèrent.
            Ce ne fut pas sans boire un coup,
C'est-à-dire sans prendre un droit de pâturage.
Tout se mit à brouter les bois du voisinage.
La pitance du Cerf en déchut de beaucoup ;
            Il ne trouva plus rien à frire.
            D'un mal il tomba dans un pire,
            Et se vit réduit à la fin
            A jeûner et mourir de faim.
            Il en coûte à qui vous réclame,
            Médecins du corps et de l'âme.
            O temps, ô moeurs ! J'ai beau crier,
            Tout le monde se fait payer. 

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