Conte du monde illustré : l'origine des éclipses de lune (Birmanie) | Histoire pour enfant

 

Conte publié dans notre Cram Cram 50 en Birmanie


Une pauvre veuve, sur son lit de mort, appela ses deux petits-enfants, et leur dit :

— Petits ! contrairement aux autres grand-mères, je ne puis vous laisser de l'or et de l'argent en héritage. Mais, à l'aîné d'entre vous, je lègue mon mortier, au cadet mon pilon. Vous les trouverez dans la cuisine.
Et elle trépassa.



L'aîné se dit :
– Que ferais-je d'un mortier ? Je ne suis pas un marmiton !
Ainsi, il ne prit pas le mortier, mais s'en alla dans un autre village, où il prospéra en travaillant dur. Le cadet, cependant, avait une grande confiance à l'égard de sa grand-mère.

Il raisonna ainsi :
– Elle ne m'aurait pas légué son pilon s'il n'était de quelque valeur pour moi.
Alors, il emporta toujours le pilon avec lui, où qu'il allât, au grand amusement des voisins. Il gagnait sa vie en ramassant du bois pour le feu et en le vendant au village. Mais il demeurait très pauvre.


Un jour qu'il ramassait du chablis (bois mort), une grande serpente apparut. Notre héros, effrayé, grimpa à un arbre. Il fut bien étonné quand il entendit la serpente lui parler en ces termes :
– Je ne veux pas te faire de mal. Je voudrais seulement emprunter ton pilon.
— Pourquoi le veux-tu?
– Mon mari vient juste de mourir. Mais si l'on approche de ses marines ton pilon magique, il revivra.

– J’ignorais que mon pilon fût magique ! dit, incrédule, le cadet.
— Viens avec moi et tu verras, dit la serpente.
Notre héros suivit donc la serpente plus loin dans la forêt, où ils trouvèrent un serpent mort. Il plaça le pilon auprès des marines du cadavre, et aussitôt le serpent ressuscita. La serpente expliqua :
– Le pouvoir de ce pilon réside dans son odeur. Tant que tu ne révéleras pas ce secret aux autres, son pouvoir restera intact.

La serpente remercia le cadet et s'en alla. Le cadet retourna au village.


En chemin, il trouva le cadavre d'un chien, mort depuis quelque temps, et vraiment pourri. Il plaça le pilon contre son museau. Aussitôt, le chien bondit, plus vif que mort. Le cadet nomma ce chien Maître Pourriture. Le chien devint son fidèle serviteur et compagnon. Le cadet, héros de cette histoire, devint fameux, comme un grand thaumaturge, capable de guérir même les morts. Mais personne n'avait deviné que l'auteur de la cure était en fait le pilon. Les gens pensaient qu'il transportait ce pilon simplement comme un colifichet. Peu de temps après, la fille unique du roi mourut. Notre héros fut convoqué par le roi. Il ressuscita la princesse. La jeune fille, pleine de gratitude, sauta au cou de son sauveur et le demanda en mariage. Ainsi, le cadet devint prince héritier. Il continuait néanmoins à accomplir sa tâche de thaumaturge, redonnant vie aux morts. Grâce à lui, le royaume ne connaissait plus chagrins ni deuils, mais un pur bonheur.

 

Le cadet, un jour, eut une idée. Il se dit :
– Mon pilon peut vaincre la mort. Mais il doit aussi vaincre la vieillesse. Alors, chaque jour, en guise d'expérience, il approchait le pilon de ses narines, et aussi des marines de la princesse. Bien sûr, la princesse était surprise de cette conduite. Mais elle l'attribuait aux fantaisies sans conséquences de son merveilleux mari, habile médecin. Après quelques semaines, notre héros comprit que lui et sa princesse n'avaient pas du tout vieilli. Il avait découvert le secret de la jeunesse éternelle.

Mais la lune était jalouse en voyant que deux mortels puissent être éternellement aussi jeunes qu'elle-même. Elle se dit :
– Même le soleil vieillit ! Car chaque soir, il rougit et devient affreux.
La lune attendit donc une occasion de dérober le pilon magique. Un jour, il arriva que le pilon, en raison de l'humidité, se couvrît de moisissure. La prince héritier (notre héros) le mit au soleil pour le faire sécher. Il était assis occupé à le surveiller. La princesse le sermonna : – Monseigneur, il n'est pas convenable qu'un prince sèche un vieux pilon au soleil, et reste assis à le surveiller ! Tu pourrais sûrement le donner à garder par deux soldats.
Elle insista tant et si bien que le prince abandonna sa garde.
– Je ne puis le confier à personne d'autre qu'à mon fidèle chien Pourriture.

Alors, Pourriture resta assis à surveiller le pilon. La lune vit là l'occasion espérée de dérober le pilon. Comme il faisait plein jour, la lune, avec sa faible lumière, était invisible au fidèle Pourriture, qui, néanmoins, flaira un intrus, et semblait médusé. La lune vola le pilon et s'enfuit avec. Le chien Pourriture la poursuivit, guidé par l'odeur du pilon, qui était plus puissante que celle de la lune. Depuis ce jour, le chien continue à poursuivre la lune. La nuit, il peut voir la lune, mais en plein jour, il continue sa poursuite, guidé par son flair. Comme le chien sent toujours l'odeur du pilon, il est devenu éternellement jeune et immortel. Parfois, il attrape la lune dans sa gueule, et essaye de l'avaler. Mais elle est trop grosse pour la gorge du petit chien. Malgré ses efforts, il ne peut l'avaler. À la fin, il vomit la lune. Alors, la poursuite recommence, et ainsi de suite. Quand une éclipse de lune se produit, les Birmans disent : « La lune est saisie par Maître Pourriture ». Quand l'éclipse est terminée, ils disent : « La lune a été vomie ».

 

Illustrations Lucy Rioland.

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